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Issues

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Propriétaires effectifs

Le problème

Il est généralement assez facile de trouver le nom d’une entreprise, une adresse postale, voire même le nom de certains membres du personnel. Mais trouver le nom du propriétaire réel ?

C’est une autre histoire.

Alors que de nombreux chefs d’entreprises affichent fièrement leur nom sur la porte de leur bureau et sur les documents qu’ils complètent pour constituer leur entreprise, inscrire son nom sur ces formulaires n’est pas vraiment obligatoire dans la plupart des pays. Cela signifie que les escrocs, les trafiquants d’armes et les trafiquants de drogue, peuvent aussi être chefs d’entreprise ; la seule différence, c’est qu’ils choisissent de ne pas faire apparaître leur nom sur les formulaires qu’ils remplissent, ce qui leur permet de créer des sociétés « anonymes » qui sont parfaites pour dissimuler de l’argent liquide illicite.

Actuellement, c’est parfaitement légal.

Les sociétés anonymes (appelées également sociétés fantômes ou sociétés écran, même si toutes les sociétés écran ne sont pas anonymes) sont des entités utilisées pour dissimuler l’identité de leur véritable propriétaire, de la personne (ou des personnes) qui contrôlent ou tirent véritablement profit de l’entreprise. Ces personnes sont également connues sous le nom de « propriétaires effectifs ». Les sociétés anonymes ont en général peu ou pas d’employés et la plupart d’entre elles n’ont pas de véritable activité économique. Elles peuvent être utilisées pour dissimuler des transactions illicites ou pour faciliter une activité illégale, comme l’évasion fiscale et les systèmes pyramidaux qui peuvent dérober des milliards à des citoyens sans méfiance.

Actuellement, vous pouvez constituer une société dans la plupart des pays du monde sans fournir la moindre information sur le véritable propriétaire. Dans l’État américain du Delaware, par exemple, vous devez présenter plus de preuves de votre identité pour obtenir une carte de bibliothèque que pour créer une entreprise. Pouvoir mettre sur pied une entreprise – qui peut déplacer des fonds, ouvrir des filiales et faire office de façade légale – sans fournir la moindre information sur le véritable propriétaire, est la recette du crime parfait. En se cachant derrière ce rideau, les gouvernements qui sont responsables de la création des entreprises, les banques, les comptables et les avocats sont complices et offrent aux criminels une voiture dont le moteur tourne et qui est parquée devant la scène de crime pour prendre la fuite.

La situation est encore plus complexe lorsqu’une autre société anonyme est inscrite comme propriétaire. Le résultat s’apparente à une toile d’araignée, avec des dizaines, voire des centaines d’embranchements qui créent un puzzle pratiquement impossible à reconstituer pour les enquêteurs.

La propriété cachée des entreprises contribue largement à la somme de près d’un 1 trillion $ qui quitte les pays en développement illégalement chaque année. Elle permet aux fraudeurs fiscaux, aux criminels et aux fonctionnaires corrompus de déplacer de l’argent impunément, souvent vers des banques aux Etats-Unis et en Europe.

Cette fuite de liquidités prive les économies des pays en développement de capitaux bien nécessaires, tout en privant les gouvernements d’un revenu fiscal, menaçant ainsi d’anéantir tout profit potentiellement généré par l’investissement étranger. Malgré les milliards de dollars d’investissement privé et d’aide au développement qui sont injectés chaque année, près du double quitte les pays sous forme de flux financiers illicites.

La solution

Pour s’atteler au problème, les pays devraient recueillir des informations sur la propriété effective des entreprises, trusts et autres personnes morales qui sont constituées sur leur territoire, et mettre cette information à la disposition du public dans des registres centralisés. Si les informations relatives à la propriété des entreprises étaient disponibles, les enquêteurs du monde entier, les journalistes et la société civile pourraient lever un coin du voile sur la propriété ambiguë des sociétés anonymes.

Même si le monde reste largement auréolé de mystère lorsqu’il s’agit d’informations relatives aux propriétaires effectifs, on a assisté à une évolution vers davantage de transparence. Le Royaume-Uni est récemment devenu le premier État au monde à s’engager pour la création de registres publics de propriété effective reprenant les entreprises constituées sur son sol. D’autres pays, comme l’Ukraine, le Danemark, l’Autriche et la France ont également indiqué leur soutien à l’idée d’un registre public.

En décembre 2014, L’Union européenne a convenu d’une Directive actualisée contre le blanchiment de capitaux qui créerait des registres nationaux reprenant les informations sur les propriétaires effectifs des sociétés dans toute l’Union. Cependant, ils seraient pleinement accessibles uniquement pour les autorités publiques ; les citoyens et les personnes intéressées devront prouver un « intérêt légitime » pour obtenir un accès à l’information.

Le G20 a également fait un pas en avant au Sommet de Brisbane en novembre 2014 en reconnaissant l’importance de recueillir des informations sur la propriété effective des entreprises dans leurs Principes de haut niveau sur la transparence de la propriété effective. Malheureusement, les dirigeants ont omis de mentionner que cette information devrait être mise à la disposition du public.

Faire des sociétés anonymes un vestige du passé contribuera à créer un système financier mondial transparent et responsable, dont tout le monde sortira gagnant.

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Système de déclaration pays par pays

Le problème

Seriez-vous surpris d’apprendre qu’une énorme multinationale qui vaut des milliards de dollars a réussi à faire baisser son taux d’imposition à moins d’1% ?

Pourtant, c’est exactement ce qui a été dévoilé en novembre 2014 quand une mine de documents baptisés “LuxLeaks” a offert un rare coup d’œil sur les arrangements fiscaux secrets entre des centaines de multinationales et l’État européen du Luxembourg; des grands noms, de Pepsi à IKEA et Disney étaient sur la liste.

Cette information n’inclut pas les secrets de fabrication des produits ou des services qu’elles vendent, alors pourquoi est-elle secrète, après tout ?

Si on en croit le tollé public provoqué par LuxLeaks, c’est en raison du fait que les entreprises ne veulent pas toujours répondre aux questions sur le montant des impôts qu’elles payent (ou ne payent pas) et où. Ces accords, si souvent scellés à huis-clos, ont pour une fois été exposés au grand jour, ce qui a permis aux gouvernements, aux journalistes et au public en général de voir, dans toute leur triste réalité, les méthodes que les multinationales utilisaient pour transférer leurs bénéfices au Luxembourg où la fiscalité est faible, loin de l’endroit où l’activité économique s’était déroulée.

Alors que la révélation a mis au jour un symptôme du système, il est essentiel de nous attaquer à la source du problème: un manque d’informations claires et transparentes sur les opérations des multinationales. Actuellement, les multinationales parviennent à exploiter les failles dans les lois fiscales nationales et internationales pour transférer leurs bénéfices d’un pays à l’autre, souvent en transitant par des paradis fiscaux (ou « juridictions opaques ») avec pour objectif ultime de réduire, voire d’éliminer complètement les impôts payés aux gouvernements. En l’absence de fuites et d’informateurs, les gouvernements eux-mêmes n’ont qu’une vue limitée des rouages internes des entreprises, ce qui rend la fraude ou l’évasion fiscale pratiquement impossible à prouver. Même si les multinationales déclarent leurs bénéfices, leur revenu, les impôts payés et le nombre de salariés qu’elles emploient, les chiffres globaux qu’elles fournissent concernent les opérations de leurs filiales réunies. Cette pratique anéantit tout espoir de comprendre les opérations d’une entreprise dans un pays donné.

Le système de déclaration pays par pays exigerait des multinationales qu’elles partagent cette information pour chacun des pays dans lesquels elles ont des activités. L’information permettrait aux gouvernements de mieux détecter une activité irrégulière qui doit faire l’objet d’une enquête plus poussée, comme par exemple, des affaires de corruption et de pots-de-vin. Les multinationales devraient être tenues de publier les informations pays par pays parce que ce problème mondial s’est révélé trop grave pour être démêlé par les gouvernements nationaux seuls. Les journalistes, les organisations de la société civile et les chercheurs ont alerté le public sur l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscale et ils ont joué un rôle critique en analysant non seulement le problème, mais également les solutions potentielles.

Les grandes multinationales ont la responsabilité d’opérer sur un pied d’égalité avec leurs homologues des petites et moyennes entreprises. Les petites et moyennes entreprises (PME) déclarent déjà pays par pays lorsqu’elles opèrent dans une seule juridiction. Le simple fait d’opérer dans plusieurs pays ne devrait pas exclure les multinationales d’avoir à révéler les mêmes informations.

Du point de vue des investisseurs pour qui la stabilité économique est importante, un régime de déclaration pays par pays est très intéressant. Des rapports financiers pays par pays rendus publics, donneraient aux investisseurs potentiels des informations qu’ils pourraient utiliser pour s’assurer qu’une entreprise ne fausse pas ses résultats, ou qu’elle ne prend pas de risques excessifs.

Et il n’y a pas de secret : les pays et les communautés dans le monde ont besoin de cette source de revenus supplémentaires. Alors qu’ils se remettaient des conséquences des crises financières, les gouvernements ont bataillé pour trouver les ressources financières nécessaires au financement des services sociaux de base dans la plupart des pays. Cette façon d’échapper à l’impôt est un problème mondial, amplifié encore par les paradis fiscaux qui facilitent et profitent de l’opacité financière. Il en résulte un système financier dépourvu de responsabilité qui prive souvent les États d’un revenu bien nécessaire.

Certains avancent que le coût de la mise en œuvre d’une telle structure d’information serait prohibitif, mais la plupart des décideurs, ainsi qu’un nombre croissant de chefs d’entreprise, comprennent que cette information est essentielle pour comprendre vraiment les entreprises transnationales. Un rapport du cabinet comptable PriceWaterhouse Coopers pour la Commission européenne a conclu qu’il pourrait y avoir un certain « impact positif » sur l’économie si la publication des déclarations pays par pays devenait la norme pour les banques et les institutions financières.

La solution

Les entreprises multinationales devraient être tenues de soumettre des rapports individuels reprenant les informations financières de base, comme le revenu, les bénéfices, les impôts et le nombre de salariés dans chacun des pays dans lesquels elles exercent leurs activités. Ces rapports pays par pays devraient être rendus publics. Les déclarations pays par pays rendues publiques renforcent le système financier pour tout le monde.

Cela donnerait des informations à un grand nombre d’acteurs, ce qui renforcerait les efforts en vue de contrôler les pratiques corrompues, la gouvernance et la responsabilité des entreprises, les charges fiscales, et les échanges internationaux.

Cela aiderait les investisseurs à déterminer si les entreprises dans lesquelles ils investissent sont actives dans des régimes politiquement instables, des paradis fiscaux, des zones de guerre et autre régions sensibles, ou s’il semble y avoir un risque supplémentaire en raison d’une planification fiscale particulièrement agressive qui pourrait inciter les investisseurs à interroger l’équipe dirigeante d’une multinationale sur la question.

Cela permettrait aux groupes d’intérêt public et aux journalistes d’investigation de s’assurer que les multinationales payent leur part d’impôts dans les pays où elles font des affaires, surtout quand les autorités fiscales manquent de ressources et n’ont pas la possibilité de consacrer le temps nécessaire à ce genre d’investigation. Si les opérations des multinationales étaient vraiment transparentes, un système financier plus équitable pourrait peut-être voir le jour.

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